mercredi 17 mai 2017

Macronmania ?

SOURCE :
http://www.liberation.fr/debats/2017/05/14/resistance-a-la-macronmania-premieres-pistes_1569475


Chronique «Médiatiques»

Résistance à la macronmania, premières pistes

Par Daniel Schneidermann  
 
      C’est justement parce que le nouveau président exerce une indéniable séduction qu’il va falloir faire preuve de la plus grande vigilance.
 
Qu’il soit séduisant, pourquoi le nier? Il paraît que de vieux autocrates des affaires y ont succombé, dans les années Rothschild. Et comment ne pas succomber à la sympathie pour ce jeune homme, tel que le montrait le documentaire de Yann L’Hénoret diffusé sur TF1 dès le lundi soir, Macron : les coulisses d’une victoire.
Ce jeune homme qui «se marre» en visionnant les images où on le voit recevoir un œuf «sur la tronche» au Salon de l’agriculture, qui obtempère quand son épouse lui interdit le chocolat, et qui brave les consignes de ses gardes du corps pour aller à la rencontre de manifestants ?
Il faut donc d’abord la reconnaître, cette séduction. La nommer. Oui Emmanuel Macron est sympathique, attentif avec l’entourage, bluffant, brillant, zen, tout ce qu’on voudra. Oui, son entourage est tout aussi sympa, à commencer par sa jeune chargée de presse franco-sénégalaise, Sibeth Ndiaye, que le documentaire nous montre courant et se faufilant partout, avec ses baskets et qui, logiquement, crève l’écran. Oui, dans les premières minutes du documentaire, une bonne partie de la France s’exclama : «Mais il est vraiment sympa, en fait.» Rien d’étonnant: tout nouveau pouvoir rayonne d’abord de fraîcheur, de bonnes intentions, fait irrésistiblement lever des espérances, et celui-ci comme les autres.
Ne pas la nier, cette séduction, pour parer au premier danger: être ringardisé, rejeté dans le camp des sceptiques professionnels, des grincheux, des cœurs secs. Mais s’il faut la reconnaître, c’est justement pour mieux chercher à s’en dégager. Car Emmanuel Macron, maintenant, c’est le pouvoir. Et tout pouvoir ne peut que chercher à imposer une légende, un roman, il va raconter une histoire. Image dont il importe, aujourd’hui comme hier, pour sa survie intellectuelle, et tout simplement pour la démocratie, de se mettre à distance.
Les premières minutes du documentaire de TF1, donc, réussirent pleinement leur percée dans les consciences. Coolitude de tous les instants, jamais un mot plus haut que l’autre, jamais une soufflante du boss à son équipe, jamais un croche-patte, jamais une rivalité dans cette équipe. Puis, survient l’erreur: le traitement du soir du premier tour, et ces faux pas en série. Le discours prématurément triomphaliste, et l’épisode de la Rotonde, on attend de voir comment le réalisateur va s’en sortir. On attend: et puis rien. La Rotonde passe comme une lettre à la Poste. Et c’est ici qu’on commence à se méfier. Tiens, tiens. Il peut donc y avoir du hors champ. Et quel serait-il, ce hors champ? Reviennent alors des souvenirs désordonnés. Tiens, tiens, Macron n’a-t-il pas éjecté un de ses conseillers santé, quand la presse révéla qu’il était rémunéré par Servier? Pas un mot. Et les cafouillages sur le programme qui ne venait pas? Pas une image. Et les fausses paparazzades avec Brigitte, organisées par la nommée Mimi Marchand, «reine des people», et intime du couple ? Pas un bout d’image. Et à propos, la si sympathique Sibeth Ndiaye, engueulant au téléphone un journaliste des Inrocks: qu’est-ce donc, au fond, qu’une attachée de presse de mauvaise foi tentant de sauver la mise à son boss, après un dérapage dudit boss ?
Dans les JT, logiquement macronisés ces derniers jours, même mécanique de mise hors champ des notes discordantes. Aux premières rebuffades précoces venues d’Allemagne et de Bruxelles est réservée la même portion congrue, alors que c’est la seule chose qui va compter. Le soir suivant la publication des investitures, au 20 heures de France 2, dans un long sujet sur la sélection des futurs députés, pas un mot sur le caillou Bayrou dans la chaussure du nouveau président.
Dans les portraits, même topo. Un article du Monde retrace la carrière d’Emmanuel Macron chez Rothschild. Mais élude en quelques lignes l’anecdote la plus dérangeante pour le storytelling : comment le jeune banquier, ayant proposé son aide gracieuse aux journalistes lors de la vente du Monde, se fit courser dans un escalier par l’un d’entre eux, qui avait découvert par hasard qu’il roulait clandestinement pour un des repreneurs du journal. Plus l’image sera belle, plus il faudra chercher le hors champ.
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire